Alors, sous lÕapparence dÕune activit sanctifie, mon me se ternit comme un miroir o sÕtale la bave du Vieux Serpent. Ce nÕtait plus le Matre que je regardais, cÕtait moi-mme avec mon sale orgueil.
Quand mon me, infatue, dnombrant, avec complaisance, ses sollicitudes prsentes et venir, toute trpidante de penses vaniteuses, est revenue sÕagenouiller devant Jsus Ñ voici quÕIl sÕtait en allÉ
Effar, plein de dsarroi, je lÕai cherch aux profondeurs de mon tre. cartant les formes et les images du monde, jÕai voulu retrouver cette flamme secrte quÕil mÕavait donne comme un reflet de lÕtoile rdemptrice qui brille dans ses yeux. Elle sÕtait clipse.
Quoi mÕcriai-je, nÕa-t-il pas ditÊ: Ñ Si quelquÕun mÕaime, je viendrai en lui et je ferai en lui ma demeure_? Je nÕai donc pas su lÕaimer de la faon dont il le demande_?
Sa voix me rpondit, trs lointaineÊ: Ñ Le feu tait ardent mais il ne sÕlevait pas sans fume.
Puis jÕentendis lÕcho de ses pas sÕaffaiblir et se perdre dans la distance. Et je connus cette angoisseÊ: la nuit de lÕesprit par lÕabsence de Jsus.
Parmi les ombres froides de cette nuit dsole, je fus dans un dsert o il nÕy avait plus de chemins ni de poteaux indicateurs. Mon seul Guide tant parti, jÕerrais, horriblement solitaire, comme au hasard. JÕessayais de prier, mais toutes mes prires, en vain dardes vers le ciel, retombaient autour de moi, comme une poigne de sable sur une terre jamais arideÊ: elles se dispersaient au souffle des vents pres qui balaient cette noire tendue. Si je faisais effort pour les renouveler, je ne parvenais les articuler quÕavec ennui et dgot. Je tentais de me rfugier dans lÕvangile, verger miraculeux o, nagure, Jsus mÕavait permis de rcolter les fruits suprasubstantiels de son enseignement. Mais il me sembla que cÕtait un enclos o ne vgtaient que des arbres striles. Bientt il me devint impossible de prier ou de concevoir une fin cet abandon. Le dsert intrieur reculait ses limites lÕinfini_; les tnbres devenaient de plus en plus paisses. Elles pesaient si fort que mon me flchit. Gisante sur le sol, ne pouvant mme pas pleurer, suant une sueur sanglante, elle demeurait inerte dans le silence affreux que dchirait parfois le rire funbre de celui qui se nommeÊ: le pre de la dsesprance ternelle.